Guide Burundi : Mode de vie

Les pratiques sociales sont communes aux Burundais et transcendent les distinctions ethniques, claniques ou régionales. Certes, on peut identifier des modes de vie et des habitudes différentes entre par exemple les Twa et leurs compatriotes Tutsi ou Hutu, ou encore entre les citadins (de Bujumbura surtout) et le reste du pays collinaire, mais ceci mis à part, on note une grande homogénéité des moeurs burundaises.

La famille nucléaire et élargie constituent le cadre de la construction sociale de tout individu, de sa naissance à sa mort, en passant par ses noces et ses difficultés quotidiennes. Le voisinage aussi est primordial, les gens de la colline ou des environs étant des témoins privilégiés de toutes les étapes de la vie d'un homme.

Vie sociale
Écolier du Burundi.
Écolier du Burundi.

Naissance et onomastique. Les naissances sont des événements fêtés en collectif, avec des visites, des présents et des échanges de bons mots.

Le nom (izina) donné à l'enfant est important. Sauf dans quelques familles, rares sont ceux qui portent le même que celui de leurs parents. En fait, on attribue à chacun un nom personnel quelques jours après la naissance, qui a une signification en lien avec l'histoire familiale ou nationale, la place dans la fratrie, les relations de voisinage, ou même les traits physiques, le teint ou le caractère supposé du nouveau-né.
De nombreux noms ont un objectif protecteur pour les enfants, dans un pays où la mortalité infantile reste importante. On invoque la puissance divine (Imana), ou on recourt à des termes dévalorisants pour minimiser l'importance de l'enfant et le dissimuler à la mort (on lui donne un vil nom, qui l'affirme laid ou méprisable). Ces noms " qui font grandir " doivent permettre à l'enfant de franchir ses premières années sans encombre.
Les prénoms burundais étonnent souvent par leur rareté et leur originalité. Comme l'usage des prénoms date de l'évangélisation des collines (auparavant, on donnait seulement un nom), on ne s'étonnera pas qu'ils soient souvent issus des Testaments.
Parmi les plus fréquents chez les hommes, on trouve Melchior, Gaspard et Balthazar, mais aussi Ildephonse, Apollinaire, Hermenégilde, Epimaque, Venant, Pamphile ou Léonidas... Parmi les prénoms féminins, l'originalité est aussi au rendez-vous avec Daphrose, Euphragique, Générose ou Godelieve !
Parmi les swahilophones, on porte en général pour nom le prénom du père. Les patronymes les plus fréquents sont Mohamed, Ali, Hassan, Radjabu, Shabani, Juma, Hamisi, Saad... On fait aussi un clin d'oeil ici aux jolies Mamy.
La kirundisation des prénoms peut être de mise quand un Burundais rencontre un étranger. Si vous vous appelez Jean-Pierre, vous deviendrez Yohani Petero, si vous êtes Joseph, on dira Yosefu, et si vous êtes Christine, on vous baptisera Kirisina...

Education. L'éducation des enfants est laissée aux femmes, mais ils côtoient au quotidien grands-parents, pères et voisins. Il leur est laissé une grande latitude d'action et de découvertes pendant leurs premières années.

Instruction publique. Dans ses formes actuelles, le système d'instruction public ou privé est un héritage du temps colonial belge pendant lequel les missionnaires catholiques ont eu la haute main sur les structures scolaires et éducatives. Cette histoire a laissé des traces. Par exemple, tous les élèves portent l'uniforme ; de même, ils respectent les hiérarchies et notamment les " préfets " des études ou de discipline ; enfin, les devoirs à la maison et les examens sont lourds et fréquents.

L'instruction primaire, obligatoire, dure 7 ans. Elle est devenue gratuite en 2005 mais ses difficultés sont grandes : les salles sont surchargées et les instituteurs submergés. Le nombre d'enfants en âge d'entrer au primaire est en constante progression et l'on recourt à la " double vacation " pour pallier leur surnombre et la pénurie de professeurs (dédoublement des classes : les élèves sont en cours le matin ou l'après-midi).
La langue de l'enseignement a aussi été réformée. Depuis 1973, dans le cadre de la " ruralisation " conduite par Micombero, les premières années du primaire se faisaient en kirundi. Aujourd'hui, en plus du kirundi, les élèves apprennent dès les premières années le français, le kiswahili et l'anglais.
Le cycle secondaire, auquel accède à peine un tiers des élèves issus du primaire, comprend deux branches. Les humanités générales forment le cycle complet des études secondaires (littéraires ou scientifiques) ; l'enseignement technique prépare les élèves à des métiers spécialisés (couture, soudure, artisanat). Normalement, ceux qui ne réussissent pas " l'examen national ", en fin de primaire, sont dirigés vers ces filières professionnelles (écoles polyvalentes).
Au-delà du cycle secondaire, plusieurs voies peuvent être suivies par ceux qui décrochent l'examen de fin d'études (la remise des diplômes donne lieu à de grandes fêtes). Certains se dirigent vers des écoles spéciales, mais la plupart essaient d'entrer à l'université du Burundi (UB), en obtenant un certificat d'homologation délivré au compte-gouttes par le ministère de l'Éducation.
Créée dans les années 1960, l'UB compte 5 campus à Bujumbura et à Gitega. Les études, en français, autrefois divisées en deux cycles de deux ans (" candidatures " puis " licences "), sont en cours de réforme pour l'adoption du système LMD (Licence, Master, Doctorant). Leur achèvement est sanctionné par la soutenance d'un mémoire. Une licence spéciale existe pour embrasser une carrière universitaire ou poursuivre des études doctorales, au Burundi ou à l'étranger selon les disciplines.

Instruction confessionnelle et privée. Les établissements confessionnels continuent de jouer un rôle crucial dans l'alphabétisation et la formation des enfants et des adultes. Malgré l'interdiction des écoles de simple lecture (yaga mukama, " Parle seigneur "), les paroisses catholiques et les centres protestants demeurent des lieux privilégiés de l'instruction en milieu rural. Il existe aussi, en ville, des écoles coraniques primaires où l'enseignement de l'islam est dispensé parallèlement à la lecture, l'écriture et le calcul.

Pendant la guerre, les écoles privées ont fleuri pour pallier aux déficiences du système public. Situées dans les villes, elles sont surtout fréquentées par les enfants des familles aisées. Elles commencent au jardin d'enfants et à l'école maternelle (" écoles gardiennes "), puis continuent au primaire et au secondaire. Elles suivent les programmes burundais, sauf l'école internationale et les écoles belge et française qui adoptent les enseignements et diplômes des métropoles européennes.

Plusieurs universités privées, créées dans les années 1990-2000, coexistent avec l'université publique (UB). Elles sont à Bujumbura (Lumière, Lac Tanganyika, Martin Luther King) ou dans l'intérieur du pays, à Kiremba (université des Grands Lacs), Gisozi (université de Mwaro) et Ngozi. Elles drainent des milliers d'étudiants qui n'ont pas pu s'inscrire à l'UB, ainsi que des jeunes de la sous-région.

Izina, un nom par enfant

Il est impossible de faire la liste de tous les noms " de famille " du Burundi (l'expression est inappropriée puisqu'il n'y a pas, ou presque, de transmission héréditaire du nom). Selon un ouvrage consacré à cette question (P. Ntahombaye, Des noms et des hommes. Aspects psychologiques et sociologiques du nom au Burundi, Paris, Karthala, 1983), il y en aurait plus de 10 000 différents, attribués selon les circonstances de la naissance. Voici la traduction de quelques-uns, classés par genre :

Les noms théophores. Hakizimana (" c'est Imana qui guérit "), Nkunzimana (" j'aime Imana "), Ndikumana (" c'est par la puissance d'Imana que j'existe "), Manirakiza (" Imana sauve "), etc.

Les noms " qui font grandir " (amazina y'ikuzo). Ntacomaze (" je ne vaux rien "), Biyorero (" les dépotoirs "), Henehene (" crottes de chèvre "), Kamwenubusa (" un seul enfant, c'est rien ")...

Les noms selon l'ordre de naissance. Kabura (le 6e enfant d'une famille, qui " prévient " le suivant, le 7e étant considéré plus vulnérable), Mudende, Kidende ou Kadende (du nom de l'amulette qui protège le 7e enfant), Minani (8e enfant), Nyabenda (9e), Macumi ou Bucumi (10e), Bukuru (" le grand ", premier sorti des jumeaux) et son frère Butoyi (" le petit ", second à sortir du ventre), Ciza (" le beau ", né après des jumeaux)...

Mœurs et faits de société

Mariage. Le mariage est une institution qui a évolué avec l'évangélisation, la modernisation urbaine et les conditions de vie pendant la guerre. L'âge du mariage a reculé (vers 23-25 ans) et en dehors de mariages " arrangés " répondant à des critères économiques ou sociaux, les mariages " forcés " sont rares. La capacité pour la partie du prétendant à verser une dot et à construire un logement pour le futur couple sont des conditions qui expliquent que le mariage puisse être retardé.

En milieu rural, dans les familles où l'élevage est important, la dot peut comprendre une ou plusieurs vaches. Mais elle peut aussi se composer d'objets utilitaires ou de cruches de bière chez les plus pauvres. La préparation de la cérémonie dure des semaines et implique familles, amis et voisins qui se constituent en comité d'organisation (" les comitards "). Le mariage unit en effet deux individus et leurs familles, mais l'engagement est aussi social et la communauté locale, sa garante. Le passage devant l'état civil est moins important que les cérémonies religieuses et la fête sociale.
Sur les collines, on se marie souvent aux moments creux de l'activité agricole (saison sèche), et on festoie dans les cabarets. À Bujumbura, quelques lieux sont privilégiés pour les réceptions, au bord du lac. A l'entrée de la capitale aussi, au premier grand rond-point en venant de l'aéroport, on peut voir un gigantesque arbre (" l'arbre d'amour "), au pied duquel les jeunes époux et leurs invités défilent pour faire les photographies du bonheur.
Jadis, la période nuptiale comprenait un temps de réclusion de quatre à dix jours pendant lequel le couple marié restait isolé, sans travailler. Une cérémonie de " lever de voile " (gutwikurura) avait alors lieu, marquant la reprise de leurs activités. Aujourd'hui, il est courant que cette cérémonie ait lieu dès le lendemain du mariage.
Même si la société se montre plus ouverte qu'avant, la virginité des femmes est encore valorisée. Les relations sexuelles du couple avant l'union officielle sont théoriquement proscrites, même si la contraception moderne a ébranlé l'interdit (la majorité des catholiques suit toutefois les recommandations des autorités ecclésiastiques burundaises et romaines, récusant l'usage du préservatif).
Les Burundais pouvaient autrefois être polygames, mais ils ne le sont presque plus (y compris dans les milieux swahilis). Ceci n'empêche pas les rapports extraconjugaux : la pratique du " deuxième bureau " chez les hommes est répandue, et n'est pas moindre chez les femmes. Les divorces restent peu fréquents, et on se sépare plutôt sans bruit.

Deuil. La mort est un événement familial partagé socialement. On enterre les morts rapidement, traditionnellement en position repliée, sur le côté droit, c'est-à-dire en sens inverse de la position adoptée par les hommes vivants pour dormir.

Le deuil comporte normalement une période d'une semaine à dix jours pendant laquelle la famille reçoit des visites et ne doit pas sortir du foyer, le balayer ou se laver. Ensuite, se succèdent deux " levées de deuil ". La partielle (guca amazi, " passer à l'eau ") marque le retour à la vie active de la famille, qui continue néanmoins de suivre quelques prescriptions, notamment vestimentaires. La levée de deuil définitive (kuga nduka, " enlever le deuil ") a lieu en théorie un an après le décès. Il s'agit d'une cérémonie importante avec des discours de circonstance qui servent surtout à régler les derniers litiges pendants (partage des terres et des biens). Les visiteurs affluent et chacun apporte son écot.

Les levées de deuil, partielles comme définitives, sont parfois annoncées à la radio, dans une litanie de noms de morts et des lieux où se réuniront leurs proches. Ces cérémonies, qui ont lieu le week-end, ont un coût économique immense. Ceci, ainsi que des questions pratiques, explique soit l'allongement des durées entre la levée de deuil partielle et la définitive (3 ou 4 ans, ou même 10 ans comme on l'a observé récemment !), soit au contraire leur célébration le même jour.

Place de la femme dans la société burundaise. La guerre a eu des effets contradictoires sur la condition féminine. Des responsabilités croissantes ont pesé sur les femmes avec la multiplication des foyers monoparentaux (veuvage), du nombre d'orphelins, ou la nécessité de pallier les carences économiques dues à l'absence des maris. Mais aussi elles ont évolué dans un contexte violent : le nombre de viols et de brutalités, avec leurs conséquences médicales et sociales, a augmenté.

Une fois mariées, les femmes sont surtout respectées comme dispensatrices de vie, c'est-à-dire quand elles mettent au monde. Elles deviennent des " mamas ", et la naissance de leur premier enfant les fait accéder à un degré supérieur de reconnaissance sociale. Elles éduquent et font grandir les enfants.
En milieu rural, elles cultivent et fournissent une grosse part du travail pénible, et elles gèrent les provisions du ménage. En ville, elles sont plus indépendantes, et certaines font d'ailleurs une percée dans le monde des affaires. Mais cette élite féminine reste minoritaire et son existence ne peut cacher les problèmes plus généraux des Burundaises, dont les droits sont loin d'être respectés. Des associations féminines locales ou nationales se sont mises en place pour les promouvoir et les protéger.
Au plan politique, des mécanismes institutionnels ont été créés pour assurer la participation des femmes à l'exercice du pouvoir. Jusqu'à 33 % des postes électifs leur sont réservés, et des nominations ou des cooptations garantissent ces équilibres. On a donc assisté à partir de 2005 et en 2010 à l'entrée massive de femmes au gouvernement, au Parlement et dans les conseils communaux et collinaires, ainsi que dans les administrations territoriales.

Pratiques communes

Discours. Toutes les manifestations sociales (naissance, mariage, décès, diplôme...) sont en principe marquées par des discours de circonstance (ijambo, amajambo) qui se succèdent selon des préséances bien codifiées. Ces discours plus ou moins longs, en kirundi, sont écoutés respectueusement par tous les participants.

Fête. Avant ou après les discours, selon les circonstances, les convives boivent et dansent, et peut-être chantent en commun. On ne redira jamais assez l'importance du partage de la bière (en cruche, et bue au chalumeau sur les collines, en bouteille en ville) lors des rencontres sociales. Les fêtes peuvent s'engager de manière timide, voire coincée, mais la bière aidant, la gaieté finit toujours par gagner l'assistance, souvent à l'étroit sur des chaises alignées... Chez les musulmans et dans la plupart des églises protestantes, la consommation d'alcool est en revanche proscrite.

Lever des couleurs. Tous les matins à 7h30, avant le début de leur service pour les fonctionnaires et avant les cours pour les élèves, a lieu la cérémonie du lever de drapeau national. L'ambiance est solennelle pendant ce rituel, qui dure à peine cinq minutes.

Siester. Un bon nombre de Burundais, surtout en ville, s'octroie après le déjeuner un petit repos d'une trentaine de minutes. On " sieste " donc souvent vers 13-14h et mieux vaut s'abstenir de téléphoner ou de rendre visite sans rendez-vous à ces moments-là.

Travaux communautaires. Depuis 2006, le gouvernement a institué les " travaux communautaires ", un travail bénévole réalisé normalement tous les samedis matin par la population. Officiellement, ces activités sont un instrument de développement (ramassage des déchets, déblaiement des canalisations, construction d'écoles ou d'infrastructures). Le Président et ses ministres s'y adonnent aussi et se font photographier dans l'effort.

Ce travail collectif a été critiqué dès son instauration. Des rapprochements ont été établis avec les corvées coloniales ou les travaux obligatoires organisés sous Micombero, qui relevaient dans les deux cas d'une forte contrainte. De fait, aux heures dites (8h-10h30), la police a assuré pendant plusieurs années une surveillance serrée des réfractaires. Bien des activités ont été affectées : le temps économique et social a été comme suspendu le samedi matin, les commerces étant fermés, les véhicules ne roulant pas et aucun service n'étant assuré. Enfin, si les citadins peuvent se cloîtrer chez eux pour ne pas participer aux tâches collectives (on parle même du " sommeil communautaire " !), il est plus difficile d'y échapper sur les collines, ce qui ne donne pas à la chose un caractère très égalitaire.

Suspendus pendant les élections de 2010, les travaux collectifs ont repris mais sont tombés en désuétude depuis. Il faut quand même tenir compte de cette donnée pour connaître les horaires d'ouverture des commerces et les possibilités de déplacement en voiture.

Les orphelins du Burundi

On estime que le Burundi compte plus de 600 000 " orphelins enfants vulnérables " (OEV dans le langage des ONG). La première cause de leur augmentation est bien sûr la guerre qui a éclaté dans le pays en 1993, mais on estime aussi que l'épidémie de sida a enlevé leurs parents à plus de 130 000 d'entre eux.

Quand les parents disparaissent, l'aîné(e) de la fratrie doit prendre en charge ses frères et soeurs et endosser des responsabilités normalement réservées aux adultes. " Trouver le sou " pour nourrir la famille devient la priorité et, hélas, mener de front une vie d'étudiant et de " chef de ménage " sans soutien extérieur s'avère difficile. On assiste donc à des déscolarisations précoces. Le quotidien est d'autant plus dur que les enfants font souvent face à des problèmes de santé majeurs ; certains d'entre eux sont notamment séropositifs.
La parenté élargie au Burundi implique que ces orphelins puissent normalement compter sur des proches susceptibles de les accueillir ou de les prendre en charge. Mais dans le contexte de pauvreté généralisé que connaît le pays, avec des difficultés pour se nourrir, se loger ou assurer des soins de santé, accueillir un enfant supplémentaire, c'est ajouter une difficulté à la vie déjà critique. Plusieurs ONG et associations viennent pallier les manques sociaux en soutenant les enfants sur le plan médical, psycho-social et alimentaire (OPDE, ANSS, Maison Shalom, Villages SOS...). Cependant, vu leur nombre, certains n'ont pas la chance d'être intégrés dans un programme et ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour s'en sortir. Ceux qu'on appelle mayibobo ou batimbayi errent dans les rues ou font de petits boulots qui leur permettent à peine de subvenir à leurs besoins vitaux. On les rencontre au centre-ville de Bujumbura et quand des rafles policières les menacent, ils se réfugient dans les quartiers périphériques.

La Vie est un jeu de cartes, de Philippe de Pierpont (2003, Arte France, Dérives, Lapsus, RTBF, WIP, 69 mn) est un film sensible qui retrace six parcours d'enfants des rues rencontrés à Bujumbura en 1991, puis revus en 2003.

Les Enfants, de Jean-Philippe Stassen (2004, Bruxelles, éditions Dupuis) est une bande dessinée dont l'action se déroule à Bujumbura, où les responsables d'une ONG humanitaire alternent entre mauvaise conscience et découragement en tentant d'occuper des mayibobo à la vannerie et au football.

Religion
La mosquée de Rutana.
La mosquée de Rutana.

Les statistiques concernant les confessions religieuses au Burundi n'existent pas ou sont imprécises, voire fantaisistes quand elles reprennent des chiffres datant de l'époque coloniale.

En insistant sur le caractère estimatif de ces données, on peut avancer la répartition religieuse suivante : un christianisme majoritaire, avec environ 60 % de catholiques et 15 à 20 % de protestants (dont les adeptes des " nouvelles " églises) ; un islam en progression, qui concerne 10 à 15 % au moins des Burundais ; et, enfin, les personnes restées dans la religion traditionnelle, qui prend en compte une divinité unique, Imana, invoquée dans le cadre d'un culte ancien, le kubandwa. On notera d'ailleurs que même des chrétiens baptisés et des musulmans continuent à consulter les devins et les intermédiaires des cultes traditionnels.

Christianisme

Le catholicisme. Le pouvoir colonial belge a pris appui sur les missionnaires catholiques en Afrique. Arrivés au Burundi dès 1879, les Pères blancs (Société des missionnaires d'Afrique) ont ouvert leur première mission dans le pays à l'époque allemande, en 1896 (paroisse de Misugi, devenue Muyaga). Ce n'est toutefois pas sous la colonisation allemande que commencèrent vraiment les conversions, mais plutôt sous le mandat belge, après la Première Guerre mondiale. Ainsi, si l'on comptait en 1922 à peine 14 500 baptisés dans le pays, ils étaient déjà 250 000 en 1937, et 1 million vingt ans plus tard...

Au-delà de l'évangélisation, l'Eglise catholique s'est aussi sentie investie d'une mission civilisatrice. Les missionnaires et le clergé ont farouchement combattu la religion traditionnelle, jugée rétrograde ou barbare. Ils ont porté un coup au caractère sacré de la royauté en obtenant, dès 1929, la suppression du rituel " païen " du muganuro, et en luttant contre les dépositaires des secrets royaux (abanyamabanga). Ils ont aussi favorisé, avec les administrateurs, l'ascension des seuls convertis.

Dans le secteur éducatif, la mainmise des congrégations catholiques a été rapide et prolongée. Dès 1928, elles ont mené l'instruction primaire et postprimaire avec des subventions exclusives (l'enseignement libre subsidié, c'est-à-dire non confessionnel, n'a été soutenu que dans les années 1950). Des prêtres burundais ont été formés dès les années 1930, et le premier évêque noir du Burundi, Monseigneur Ntuyahaga, a été nommé à la tête du diocèse de Bujumbura en 1959 (il y a aujourd'hui six diocèses en tout : Bujumbura, Gitega, Ngozi, Bururi, Muyinga et Ruyigi).

Non seulement dominante dans le secteur éducatif, l'Eglise catholique a aussi longtemps oeuvré seule dans les domaines sociaux et sanitaires (dispensaires, orphelinats, ateliers...). Entre 1981 et 1986, l'anticléricalisme du régime de la IIe République a cependant marqué la volonté de neutraliser son influence (expulsions et arrestations de missionnaires étrangers et nationaux, mesures de police du culte contraignantes). Mais le renversement de Bagaza par Buyoya, en 1987, a contribué à pacifier les relations entre le pouvoir politique et les religieux.

Aujourd'hui encore, le pays regorge de preuves de l'importance du catholicisme : des églises et des implantations sociales ou sanitaires sont installées sur la plus lointaine colline et, le dimanche, des foules impressionnantes se rendent à la messe. Par ailleurs, comme le président Nkurunziza est un fervent protestant, la religion a retrouvé grâce aux yeux du pouvoir. En 2005, le slogan de campagne du Président était " Dukora-dusenga, dusenga-dukora " (Travaillons-prions, prions-travaillons) ; en 2010, sa campagne n'a pas dérogé à ces engagements religieux.

Le protestantisme et les mouvements évangéliques. L'essor du protestantisme au Burundi s'est trouvé limité, pendant la colonisation, par le combat que lui ont livré les missionnaires catholiques, appuyés par l'administration coloniale. Comme les entreprises scolaires musulmanes, les écoles protestantes n'ont jamais reçu d'aide de l'Etat colonial, et c'est surtout parce qu'elles étaient financées par de riches congrégations européennes ou américaines que certaines ont pu malgré tout voir le jour.

Il est intéressant d'observer sur des collines les résultats de la concurrence que se sont livrés protestants et catholiques pour convertir les Burundais : il n'est pas rare de voir, sur des sommets en face-à-face, une église catholique et une paroisse protestante construites en même temps, qui se toisent.

Si le protestantisme n'a pas connu de progression notable après l'indépendance, où il est resté concentré dans certaines régions du pays (notamment au Sud), il a bénéficié en revanche, dans les années 1980, de la poussée de piété venue contredire la politique de laïcisation forcée menée par le régime Bagaza. Ce mouvement s'est amplifié au début des années 1990, particulièrement avec la guerre. Des mouvements charismatiques et des églises pentecôtistes et évangéliques sont apparus, avec leur cortège de célébrations et de pratiques spectaculaires (transes, glossolalie...).

Ces " nouvelles " églises ont essaimé en ville comme en milieu rural. Plusieurs sont regroupées au sein de la Communauté des Eglises de Pentecôte du Burundi (CEPBU) ou dans le mouvement adventiste.

Mais le protestantisme institutionnel est surtout bien représenté par le Conseil national des Eglises du Burundi (CNEB), héritier depuis 1987 de l'Alliance des Eglises protestantes du Burundi (depuis les années 1930). Il regroupe 12 églises dont l'Eglise épiscopale du Burundi (anglicane, représentée par cinq diocèses autonomes : Gitega, Buye, Bujumbura, Matana et Makamba), l'Union des Eglises baptistes du Burundi, l'Eglise évangélique des Amis (quakers), l'Eglise libre méthodiste, l'Eglise méthodiste unie du Burundi et même l'Eglise kimbanguiste (syncrétisme créé au Congo belge dans les années 1920).

Islam

L'islam au Burundi est majoritairement sunnite (Burundais et Arabes), mais on compte aussi une présence ancienne de Pakistanais, qui sont pour l'essentiel des Ismaéliens, des chiites dont le chef spirituel est l'Aga Khan (établi en Inde).

L'introduction de l'islam (sunnite) sur les rives du Tanganyika date du milieu du XIXe siècle, quand les premiers commerçants arabes de la côte orientale de l'Afrique ont pénétré le continent. Ces Zanzibarites s'exprimaient en arabe ou en kiswahili, ce qui explique qu'on parle encore des " Swahilis " pour désigner tous les musulmans. A l'origine, l'islam des commerçants zanzibarites n'était pas prosélyte, et ce n'est que peu à peu que des Burundais qui les côtoyaient se sont convertis.

Pendant toute la période coloniale belge, les musulmans ont souffert de discriminations, comme les protestants. Leurs écoles n'étaient pas reconnues et a fortiori pas financées par l'administration coloniale, qui voyait dans les partisans du Prophète des menteurs et des groupes potentiellement subversifs. De fait, le mouvement anticolonial et nationaliste a beaucoup bénéficié du soutien des " Swahilis ".

Leur situation s'est améliorée après l'indépendance, mais par défaut : par exemple quand l'Eglise catholique a été attaquée par le gouvernement Bagaza, les Swahilis ont été laissés tranquilles. Mais la véritable percée de l'islam date des quinze dernières années. La guerre y est pour quelque chose, qui a vu des populations affluer vers les villes où les Swahilis étaient concentrés, et où les quartiers musulmans ont, semble-t-il, connu moins de tueries interethniques que les autres (Buyenzi, Bwiza). Toujours est-il que depuis quelques temps, l'islam fait des recrues. Des catholiques et des protestants se convertissent et, partout, des écoles coraniques et des mosquées se construisent, financées par de riches commerçants ou par les cotisations des fidèles. Des traductions du Coran en kirundi sont en cours de réalisation.

Cette situation ne va pas sans inquiétudes ou réticences du côté des chrétiens. Des projets de construction de mosquées dans des fiefs catholiques ont ainsi donné lieu à de farouches oppositions au milieu des années 2000.

L'entrée au gouvernement de plusieurs musulmans, en 2005, a confirmé la progression et la reconnaissance de l'islam. En 2006, pour la première fois, l'Aïd, qui clôt les fêtes de la période du ramadan, a été décrété jour chômé. Mais l'emprisonnement en 2007 d'un leader important du parti CNDD-FDD, Hussein Radjabu, le renvoi de l'Assemblée de plusieurs députés musulmans en 2008 et des expulsions immotivées ont à nouveau changé la donne, laissant s'installer parmi les musulmans du pays de nouvelles inquiétudes quant à leur insertion dans le monde national burundais.

Kubandwa et croyances anciennes

Dans le Burundi ancien, il existait une multitude de cultes permettant d'approcher les forces du sacré, pour s'en prémunir ou en obtenir l'aide. Rituels liés à la monarchie et cultes rendus aux esprits des morts, pratiques de divination ou sorcellerie, on évoquera surtout ceux qui sont encore d'actualité.

Imana et le culte de Kiranga (kubandwa). Imana, c'est la puissance divine que les Burundais invoquent traditionnellement pour ses bienfaits, tout en la craignant pour ses mystères. On pourrait traduire ce terme par " Dieu ", mais ce serait imparfait. Pour se démarquer de la croyance traditionnelle en Imana, les évangélisateurs ont d'ailleurs préféré utiliser le terme swahili de Mungu pour définir Dieu auprès des ouailles burundaises.

Dans la période précoloniale, tous les Burundais avaient en commun cette foi en Imana, puissance divine et créatrice, dispensatrice de la vie et responsable de ses manifestations. Imana, c'est en même temps la providence et la bienfaisance, le principe de fécondité et la chance, mais aussi la marque fondamentale de l'ambiguïté du sacré, prégnant et rassurant, mais aussi insaisissable et énigmatique. Parmi les divers cultes dans lesquels intervient Imana, celui de Kiranga est le plus célèbre, et il connaît encore aujourd'hui une grande popularité.

Pour en parler, il faut évoquer l'existence, dans toute la région des Grands Lacs, d'un culte marqué par des séances collectives de possession où l'on s'adresse à un panthéon d'esprits appelés Imandwa (d'où le nom de kubandwa donné au culte), et hiérarchisés autour d'une figure centrale appelée Kiranga au Burundi. La nature de ce dernier est énigmatique. On ne sait trop s'il s'agit d'un héros ayant vécu dans la région ou d'une figure mythique. Toujours est-il qu'il est considéré comme un intermédiaire entre Imana et les hommes. On fait appel à lui dans des circonstances exceptionnelles, dans un but curatif ou préventif (maladies, naissance de jumeaux...).

Le culte de Kiranga, le kubandwa, est le fait d'initiés qui sont possédés avant de pouvoir intégrer le cercle des adeptes (les bishegu). On les reconnaît au fait qu'ils contractent la " maladie des ancêtres " (intezi), avec vomissements, maux de ventre et agitation intempestive. Les individus atteints sont initiés au cours d'une cérémonie où les libations prennent un tour exceptionnel, accompagnées de chants et de danses, et de glossolalies (le fait de parler " en langues " incompréhensibles). Le postulant est ensuite baptisé d'un nom spécifique et peut entrer en communication avec le monde des esprits et du sacré, ce qui l'autorise à participer aux cérémonies réclamées par des familles touchées par le malheur, qui comportent des aspects liturgiques importants (offrande de bière de sorgho non fermentée, aspersion médicinale).

Le culte de Kiranga est encore pratiqué aujourd'hui, mais il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir assister à une cérémonie du kubandwa. La plus grande discrétion est en effet recommandée aux initiés. Quant à ceux qui, dans des situations difficiles, y font appel, ils ne désirent pas forcément que la chose soit rendue publique.

Sorcellerie. Bien que les religions monothéistes aient fait reculer les pratiques de sorcellerie, de nombreux Burundais restent attachés à ces croyances et font confiance aux détenteurs des secrets de l'au-delà. Le Kumoso, à l'est du pays, est une région réputée pour être le fief de ces derniers.

Très schématiquement, on peut diviser les " magiciens " du sacré en deux catégories.

Le " sorcier " (umurozi) a une nature malfaisante et son activité est nocturne (le "côté obscur de la Force"). Doté de pouvoirs surnaturels, il sait provoquer la stérilité, la maladie, la déchéance sociale, voire la mort. Il dispose de procédés magiques pour nuire et détruire : poisons et poudres végétales ou animales activées par des incantations nocturnes, envoûtements concoctés par des esprits de l'au-delà, objets divers chargés de malignité...

Les devins-guérisseurs (abapfumu) sont l'antithèse des sorciers. On fait appel à eux pour briser les envoûtements maléfiques par exorcisme (liquides et poudres magiques, amulettes, formules de conjuration...), ou pour obtenir une aide dans la conduite d'une affaire personnelle ou familiale. Le mupfumu sait déterminer l'origine surnaturelle des affections qui touchent les hommes, aussi est-il tout indiqué pour les guérir, en assurant une médiation entre eux et les esprits. On peut aussi ranger dans cette catégorie bienfaisante les " pluviators " (abavurati), capables de provoquer des précipitations quand la sécheresse se fait trop longue...

Tous ces spécialistes du magique ont plus ou moins partie liée avec Kiranga, selon des modalités qui témoignent de l'interpénétration de tous les aspects archaïques du sacré chez les Burundais. Les esprits aussi sont omniprésents. On en dénombre une grande quantité : certains se déplacent avec le vent (baganza, mashinga), d'autres concernent un individu mort violemment (bisume, bisigo) ou encore des ancêtres familiaux ou des héros (mizimu). Si un événement considéré comme anormal se produit dans une famille (conflits, stérilité, maladie), on peut présumer qu'il est dû à ces esprits. Il faut alors consulter un mupfumu pour les apaiser.

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