Guide Chad : Arts et culture

ARCHITECTURE ET HABITAT
Habitat traditionnel

Il existe deux grands types d'habitat au Tchad, adaptés au mode de vie des peuples qui les construisent : l'habitat sédentaire des populations du Sud et d'une grande partie des populations du Nord, et l'habitat nomade des peuples transhumants. Le premier est constitué de cases de terre, disposées en villages, dont les formes et les arrangements varient en fonction des ethnies. Le second est un habitat précaire, vite démontable et transportable : le ferrik, campement composé de tentes.

Habitat sédentaire
Chez les Moundang

Dans la région du Mayo-Kebbi, autour des lacs de Tréné et de Léré, les Moundang, ou Mundang, vivaient jusque dans les années 1930 dans des habitations fortifiées typiques, construites selon un modèle bien précis, les zadénés. Ces fortins aux cases coalescentes étaient bâtis sur des buttes et organisés en gros villages de plusieurs milliers d'habitants. Chaque femme de la famille possédait sa propre chambre, de forme ovale, sa propre cuisine et son grenier. La case de l'homme se situait à l'entrée ou au centre de la concession, proche de celle des fils, des cases de la bergerie et du silo central commun. Chaque case était reliée à ses voisines par des murets de terre. Les cases étaient pourvues de terrasses et de meubles en terre incorporés aux murs : banquettes, étagères, foyers... Les greniers étaient en argile, de forme conique, avec une ouverture sommitale, ouverte sur la cour intérieure et obturée par un pan de vannerie. On y accédait par une échelle de bois, faite d'une solide fourche entaillée par des marches.

Cependant, le style classique de la ferme fortifiée moundang a éclaté : les cases sont maintenant souvent isolées les unes des autres, elles ne comportent plus de terrasses, les greniers sont plutôt à porte qu'à ouverture sommitale...

Toutefois, le palais du Gôn de Léré est encore construit sur l'ancien modèle, et vous pouvez toujours voir, dans cette même localité, de nombreux greniers érigés suivant la tradition.

Chez les Mousgoum

Les habitants des rives du Logone, le long de la frontière tchado-camerounaise, résident dans des zinas (ou concessions) de cases obus : les toulikis. Les zinas sont construites sur des buttes et avaient déjà été mentionnées par l'écrivain français André Gide, lors de son passage au Tchad dans les années 1920. Les cases obus sont édifiées à partir de boudins d'argile, entaillés de nervures et de piquants qui servent de marchepieds pour la pose du boudin suivant. Il faut attendre qu'un étage d'argile ait séché, avant d'en rajouter un autre, si bien que la construction d'une telle case peut durer trois mois ! Chaque femme possède sa case qui sert souvent de chambre, de cuisine et de bergerie. L'homme a sa propre chambre, reliée au cercle de celles de ses femmes par un muret d'argile. Au centre de la zina se trouvent les greniers personnels de chaque membre de la famille. A l'intérieur des chambres, à droite de l'entrée, on remarque souvent un lit de terre, que l'on peut chauffer par en dessous à l'aide de braises.

Chez les Massa

Les Massa de la région de Bongor vivent dans des concessions de cases aux toits de paille coniques, disposées en cercles, et s'ouvrant sur la cour centrale. Les diverses concessions sont regroupées en quartiers, ou nagatas, qui correspondent aux différents clans. Les intérieurs sont souvent sophistiqués : on y rencontre notamment le même système de lit chauffant que chez les Mousgoum.

Chez les Moussey

L'habitat de ce peuple de la rive gauche du moyen Logone a déjà subi l'influence des populations du Sud. Les cases sont en terre, aux toits de paille en forme de cloche. Les femmes possèdent un ensemble de cases jumelées par un auvent de vannerie ; on y trouve une chambre, une cuisine et souvent une brasserie. La case de l'homme se situe à l'écart. Les Moussey étant des éleveurs de chevaux, la case masculine sert aussi souvent d'écurie ; elle est équipée d'une mangeoire garnie de foin et d'un système d'écoulement du purin. La case de la mère avoisine souvent celle de l'homme.

Chez les Goulay, les Toumak, les Niellim

Chez ces habitants du Moyen-Chari et du bassin de la Tandjilé, chaque femme possède sa propre cellule d'habitation, comportant une chambre, une cuisine et des greniers.

Les portes des cases sont basses et les toits sont en paille. Chaque cellule est entourée de seccos ou sékos (claies de paille), et l'entrée de la concession est disposée en chicane. Les différents domaines féminins s'organisent autour de la case masculine.

Chez les Kotoko

Ces gens du fleuve, vivant sur les rives du bas Chari et du bas Logone, s'organisent en cités fortifiées. Les habitations du village sont en terre, bâties selon un plan complexe ; elles comportent un étage et des terrasses.

Au rez-de-chaussée de la maison, on trouve les chambres des femmes, leurs cuisines, une chambre d'hôtes, un magasin, ainsi que des silos. Le premier étage est le domaine de l'homme, avec sa chambre et son salon, dans lequel l'homme reçoit ses hôtes. Les murs intérieurs sont souvent peints par les femmes ; les motifs sont généralement des créatures brunes, noires et blanches stylisées.

Le village est entouré d'un mur en terre, comportant des tourelles de garde. Le village de Logone Gana, situé à environ 70 kilomètres au sud de N'Djamena, sur le bord du Chari, représente un exemple typique de cité fortifiée kotoko. De même, le musée de Gaoui, ancien palais du sultan, situé à 10 km du centre-ville de la capitale, constitue un excellent modèle d'architecture kotoko.

Chez les Kanembou

Les villages kanembou, situés aux sommets de dunes, sont constitués de cases de tiges de mil, arrangées en crinoline, disposées sans concessions délimitées.

Ces cases de paille sont conçues pour s'ancrer dans le sable (certaines comportent même des piquets d'amarrage) et pour résister aux vents de sable. La femme possède en général sa propre chambre. Les lits ne sont plus construits en argile, mais sont constitués d'une simple natte ou d'un ensemble de branches recouvert par une natte.

Chez les Arabes sédentarisés

Le village arabe typique est entouré d'une zériba, une haie d'épineux. Il regroupe les membres d'une seule famille au sens large. Chaque foyer possède sa case, le koûzi, ronde et vaste, avec un toit de paille soutenu par une charpente en bois.

Le lit est central, sur pilotis, et dominé par un toit en paille, d'où s'échappent des rideaux. Le petit bétail et le cheval sont souvent attachés à un piquet intérieur. Les habitations sont disposées en cercles concentriques autour d'un corral central où sont regroupés les animaux. Une mosquée orne également la place. Les villages servent de résidence en saison des pluies, mais lorsque vient la saison sèche, les habitants les délaissent pour partir avec le bétail camper dans des huttes de tiges de mil autour des puits. Ces huttes sont vastes et comportent souvent quatre à six piquets centraux sur lesquels repose une charpente en bois, chapeautée par une coupole en paille.

Chez les Bidio et autres Hadjeray

Dans le Guéra, les habitations sont majoritairement constituées de vannerie. La chambre abrite aussi le petit bétail. La cuisine se fait dehors l'été ou dans la chambre l'hiver.

Chez les Baguirmiens

Les villages sont créés autour d'un arbre, en mémoire de la fondation de Massenya, l'ancienne capitale du royaume, qui avait été érigée autour d'un tamarin.

On peut trouver quatre types de maisons dans le Baguirmi. Le modèle le plus ancien est le simple rectangle de paille. On voit aussi la case ronde en pisé, chapeautée d'un toit conique en paille. On remarque parfois des cases en briques, avec un toit en terrasse.

Les concessions familiales sont entourées de seccos.

Tentes des transhumants et des nomades
Tente du Kanem

Les tentes sont en forme de demi-sphère, toujours bâties suivant le même modèle. Elles sont constituées de deux rangées de mâts centraux et de deux rangées de piquets extérieurs. Ces piquets sont reliés entre eux par des arceaux souples sur lesquels on pose des nattes de doum. Le sol est lui-même recouvert par une natte. L'intérieur est garni succinctement de calebasses et de bassines, pour la cuisine, et de sacs de peaux pour ranger les quelques vêtements.

Au Kanem, la tente s'ouvre toujours sur l'ouest, à l'opposé des vents dominants.

Tente kréda

La tente est construite sur un modèle asymétrique, autour du lit. Elle est également recouverte de nattes de doum.

Tente daza

Les piquets extérieurs sont presque aussi élevés que les mâts centraux, ce qui donne aux tentes daza une forme de parallélépipède. Elles sont très vastes (environ 3 m x 8 m) et meublées d'un lit, constitué de nattes ou de peaux ornées de cauris, appelées dalays.

Quant aux tentes toubou et arabes, elles sont construites sur le modèle classique et forment des demi-sphères de nattes. Celles des transhumants arabes sont regroupées en unités de campement appelées ferriks.

Greniers villageois

Les greniers servent à stocker la récolte de céréales qui doit permettre à une famille de se nourrir d'une saison agricole à l'autre. Ils sont conçus pour isoler le grain des animaux (rongeurs, oiseaux...), des intempéries et des voleurs.

Pour lutter efficacement contre les termites, les populations protègent leurs diverses constructions à l'aide de natron, de cendres, de pétrole...

Grenier baguirmien

Il est en paille, surélevé sur des pierres, avec un toit conique, et peut contenir jusqu'à 800 kg de céréales, ce qui équivaut à la provision annuelle pour une famille moyenne. On peut toutefois aussi en trouver en argile.

Grenier moundang

Il est construit à l'image de la case obus, en argile hérissée de nervures. On distingue deux types de greniers traditionnels : le grenier isolé, construit dans la cour familiale, et le grenier en case, intégré dans la construction fortifiée moundang. Le grenier des hommes se différencie de celui des femmes par le nombre de compartiments qu'il contient (3 compartiments pour les femmes, 2 pour les hommes).

Grenier arabe

Certains greniers sont aériens, faits de paille ou d'argile, alors que d'autres sont souterrains ; ce dernier type de grenier subsiste aujourd'hui, même si sa raison d'être initiale, la dissimulation des récoltes lors des rezzous, a quasiment disparu au Tchad. Les parois sont isolées de la terre par des nattes, puis on recouvre également le toit d'une natte et, en dernier lieu, on cache soigneusement l'entrée du grenier avec de la terre.

Greniers kenga (dans le Guéra)

Ils sont maçonnés par les femmes. Ils peuvent être " mâles ", et sont alors édifiés au centre de la concession ; ils abritent les réserves de la famille. Les greniers " femelles " prennent place derrière la cuisine et contiennent les aliments pour la cuisine quotidienne.

Greniers ouaddaïens

D'argile aux toits de paille coniques, ils peuvent être grands (siwébé) ou plus petits (dabang-guilik). On y range le mil et, parfois, les vêtements...

Greniers du Tibesti

Ils sont en pierre et maçonnés d'argile. Leur toit, en nattes de doum, est plat. Ils contiennent les réserves de dattes et de blé.

Chez les Kotoko

Les greniers sont remplacés par de simples jarres d'argile cuite, dans lesquelles on stocke le mil, le sorgho, le poisson séché...

ARTISANAT

En Afrique, l'art et l'artisanat sont présents aussi bien dans la vie quotidienne que dans la vie religieuse, en passant par les moments de fête et de célébrations familiales.

La réalisation des objets d'art est en majeure partie le domaine réservé des Haddad, la caste des forgerons, devenue par l'extension de son savoir-faire celle des artisans, dont les femmes sont exclusivement potières. Toutefois, certains peuples dérogent à cette tradition, notamment les Kotoko, qui tiennent l'art de la poterie de leurs ancêtres sao. Ce sont chez eux toutes les femmes qui s'adonnent fièrement au modelage de l'argile. Les productions, de grande qualité, modelées par les mains de ces artisanes sont des objets utilitaires pour les foyers tchadiens : les jarres ou les fameux canaris, les brûle-encens, les marmites... Une autre activité artisanale et cotonnière, très répandue dans le Sud, est le tissage. Chez les Moundang seuls les hommes s'adonnent à cette activité durant la saison sèche. D'autre part, la vannerie occupe une place à part dans l'artisanat tchadien : elle n'est pas réservée aux Haddad et peut être pratiquée tantôt par les femmes, tantôt par les hommes. Comme elle intervient également dans la construction des habitats traditionnels, toutes les régions possèdent des artisans qui travaillent dans ce domaine, produisant des nattes, des seccos, ces pailles finement ou grossièrement tressées ; des corbeilles à mil, des paniers, des chapeaux figurent parmi les objets en palmier doum.

Art et objets artisanaux liés au culte
Populations du Sud

L'art des peuples animistes sara, dans le sud du pays, est dominé par les objets de culte, utilisés pour la cérémonie du yondo, les rites des semailles et des moissons, le rituel des ancêtres... Dès Bongor, au sud de la capitale, le spectacle de groupes d'initiés, parcourant les quartiers ou à l'ombre d'un arbre, est offert au voyageur ébahi dont le regard se remplit d'interrogations. Lors des cérémonies, les initiés étaient affublés de vêtements en raphia (belle variété de palmier) et de masques de bois, décorés de pailles, de cauris et de tiges métalliques... Ils portaient aux pieds de lourds bracelets de cheville en bronze, appelés manglas, et à la taille des colliers de perles nommés neurs. Certains peuples préféraient les bracelets de cheville garnis de clochettes, qu'ils faisaient tinter aux rythmes des danses endiablées.

Populations musulmanes

Les musulmans méprisent les représentations sculpturales. Leurs objets artisanaux religieux sont tous des objets utilitaires, destinés à l'apprentissage du Coran. Il s'agit du dawaï, qui est l'encrier de l'écolier, creusé dans une courge, du khalam, la plume en tige de mil, et du lôh, l'ardoise de bois sur laquelle les marabouts inscrivent les sourates.

Chaque musulman porte aussi des gris-gris, réalisés en secret par le marabout, recelant des vertus thérapeutiques et protectrices. Enoncez le mal dont vous souffrez, ou le souhait que vous désirez voir se réaliser, et le marabout choisira quelques versets coraniques adéquats, qu'il notera sur un morceau de papier.

Ce dernier sera plié et scellé dans un rectangle de cuir décoré. Le marabout adjoindra souvent un osselet, une bille, ou un coquillage, pour parfaire votre divine protection. Les enfants sont tout de suite garantis contre le mauvais oeil, si on leur attache les ouagat (gris-gris pour enfants) autour du cou.

Les femmes portent également des gris-gris (souvent consacrés à la fécondité) autour du cou ; il existe aussi les gris-gris que portent les jeunes filles à la taille, pour éloigner les grossesses indésirables tout en attirant l'homme idéal. Ces gris-gris spéciaux sont réalisés soit avec des amulettes coraniques, soit avec des perles. En ce qui concerne les hommes, ils portent leurs gris-gris au-dessus du coude droit, un poignard (ou sakin) faisant le pendant au-dessus du coude gauche. Les chevaux, eux-mêmes, peuvent être protégés des esprits malfaisants grâce aux amulettes triangulaires suspendues à leur encolure...

Bijoux en argent

Les femmes tchadiennes sont friandes de bijoux ; elles portent des bagues, des bracelets, des anneaux de nez, des colliers, des barrettes et des parures de tête, de facture variable en fonction des ethnies. Ces bijoux sont portés à l'occasion des fêtes, bien sûr, ou des visites chez une amie, ou même pour se rendre au marché.

On peut citer en particulier le barcham, ce collier gorane aux fines et multiples torsades d'argent qui s'épanouissent sur la poitrine, le zeitoun, collier de grosses perles d'ambre jaune affectionné par les femmes kanembou, arabes, goranes et kréda.

Les fangar sont les barrettes en argent ciselé, trouvées chez les femmes arabes, zaghawas et goranes. Les djaka sont d'impressionnantes parures de tête goranes, possédant des pans pariétaux, frontaux, et ornés de trois pointes sur le sommet du crâne. On n'en voit plus guère qu'aux cérémonies de mariage ou à l'occasion de fêtes exceptionnelles. L'amchababa est un bijou de tête gorane et arabe, incrusté de perles rouges.

Sur les marchés du Nord, en revanche, on voit encore de nombreuses femmes goranes, arabes et kréda aux cheveux ornés de khourouss, ces sortes de boucles dont partent de longues chaînettes d'argent, qui tintinnabulent aux moindres mouvements de tête.

Vous pouvez acheter tous ces bijoux sur les marchés sahéliens (il est cependant rare de trouver des parures de tête, mais vous pouvez en commander chez les bijoutiers).

Il est à signaler que vous pouvez aussi trouver des bijoux importés (comme les fameuses croix d'Agadez) ou moins traditionnels sur les marchés artisanaux de la capitale.

Enfin, vous pouvez vous faire faire un bijou chez les bijoutiers locaux. A titre indicatif, l'once d'argent tourne autour de 11 000 FCFA et l'once d'or autour de 770 000 FCFA (1 once = 31,1 grammes).

Cuir

Le cuir acheté chez les bouchers est tanné et macéré dans des bouillons végétaux. Tous les villages possèdent leurs ateliers, mais les artisans d'Abéché détiennent le quasi-monopole de la fabrication des célèbres poufs, sandales, sacs, ceintures, coussins, mallettes, selles et tapis de selle pour chevaux... Le cuir est souvent laissé brut, mais parfois teinté en rose, vert ou jaune !

Forge

Les forges sont installées en plein air, pour que l'air chaud s'échappe le plus possible, à l'ombre d'un arbre ou d'un auvent, de préférence sur un côté du marché. Le forgeron travaille assis ou accroupi et manie le métal fondu à l'aide d'une grande pince, puis le travaille entre son enclume (de pierre ou de ferraille) et son marteau. Le brasier est attisé à l'aide d'un soufflet fabriqué en peau, emmanché sur des tubes d'argile, et manipulé par un aide. Le matériau utilisé sortait autrefois des hauts fourneaux locaux, mais, maintenant, les forgerons ont plutôt recours à des objets de récupération : bidons, ressorts de voiture, fers à béton, pour le fer, canettes et boîtes de conserve, pour l'aluminium. De la forge sortent les outils agricoles ou d'ébénisterie, les couteaux de jet, les pointes de lance ouvragées, les étriers et les mors pour les chevaux... Avec l'aluminium de récupération, l'artisan réalise les plateaux (soufras) aux multiples dimensions, les marmites, les cuillères pour manger la bouillie...

Objets en bronze et en cuivre

Le peuple sao était déjà réputé pour sa maîtrise du bronze, qu'il façonnait suivant le procédé de la cire perdue. L'objet à créer est d'abord modelé en cire, avec le plus de précision possible. Ensuite, il est enrobé d'une épaisse carapace d'argile réfractaire, ménageant un entonnoir et des évents. Il est alors chauffé, pour que la cire contenue à l'intérieur fonde, et s'écoule par les évents. Le métal en liquéfaction est ensuite versé du creuset dans l'entonnoir, et va épouser les formes imprimées en négatif sur l'argile. Il ne reste plus qu'à briser le moule pour obtenir l'objet métallique qu'on laisse refroidir.

C'est ainsi que sont réalisés les épais bracelets de cheville kotoko et nombre d'objets utilitaires ou décoratifs, comme les petits mortiers et pilons en bronze, les marteaux à casser les pains de sucre en cuivre, les clochettes et certaines amulettes. Les femmes arabes portent volontiers une figurine de bronze en forme de cheval, qui sera enveloppée dans un étui de cuir, afin de piéger les méchants djinns (esprits), qui pourraient les chevaucher, pour les posséder, au sens mystique du terme...

Poterie

C'est un art réservé aux femmes des forgerons ; seules les femmes kotoko enfreignent cette règle.

La technique de confection des petites poteries est invariable : l'artiste creuse un trou dans la terre, dans lequel elle dépose l'argile fraîche, qu'elle va mélanger à du crottin, afin de renforcer la solidité de l'objet. Après avoir bien pétri et malaxé ce matériau, elle utilise un tampon en argile dure pour écraser l'argile contre les parois du trou de terre, donnant ainsi au futur récipient sa forme arrondie. Les finitions se font à la main. L'objet est ensuite séché, cuit sous un feu de paille, puis peint de motifs géométriques au kaolin blanc et aux teintures végétales ocre et noires.

Les objets réalisés servent au transport de l'eau, à la présentation des aliments et à leur conservation, comme les bols, les jarres, les plats... Les brûle-parfum, appelés moukhbar, sont souvent utilisés par leur propriétaire qui se placent quelques minutes au-dessus afin d'imprégner leurs vêtements et leur peau.

Pour les modèles plus grands, la potière utilise la méthode des colombins : elle malaxe bien l'argile mêlée au crottin, puis la presse et l'étire en colombins qu'elle assemblera les uns aux autres sur un plateau. La potière fait tourner le plateau de la main gauche, tandis que sa main droite lisse les différents étages de boudins d'argile, pour former petit à petit une cruche, un canari (dwalé), une amphore, une marmite... L'objet fini séchera d'abord à l'air, puis cuira dans un grand brasier, recouvert d'un tas de paille, et parfois de tôles métalliques.

Tapis

C'est Abéché le haut lieu des tapis ; ils sont de fabrication artisanale, en poils de chèvre naturels noirs et blancs, ou teintés de rouge, de vert et d'orangé. Les motifs sont géométriques, incorporant parfois des chameaux stylisés. Il existe aussi des tapis beaucoup plus grossiers, en poils de chèvre, à la couleur noire, grise et grenat.

Tissage et teinture

Ce sont deux arts un peu tombés en désuétude depuis l'apparition des pagnes de basin et de cotonnade venus des Pays-Bas et d'Asie qui font le bonheur des femmes et des hommes qui n'hésitent pas à arborer fièrement des tissus aux effigies religieuses, soulignées de messages de paix, à l'occasion de grands événements, comme la coupe du monde de foot, le pèlerinage de La Mecque ou le couronnement de la reine d'Angleterre !

Autrefois, on tissait le coton sur des métiers en bois, qui permettaient la confection d'une bande de tissu d'une dizaine de centimètres de large : le gabak. Elle servait d'unité monétaire pour le paiement des dots. On assemblait les bandes de gabak entre elles pour réaliser des pagnes inusables... Les teinturiers sont encore parfois sollicités pour colorer les tissus importés vierges, à l'aide d'indigo. Mais la relève n'est plus assurée, la clientèle se faisant rare...

A N'Djamena, les derniers teinturiers côtoient les fondeurs, dans le quartier de Ridina, à côté du marché à mil.

Vannerie

La vannerie peut être, suivant les ethnies, soit le travail des femmes, soit celui des hommes. Dans le Sud, on utilise les feuilles du rônier, tandis que dans le Nord, on tresse celles du palmier doum. La vannerie permet la confection d'objets strictement utilitaires. Les nattes sont de dimensions variables et sont parfois teintées de couleurs décoratives rose, verte et bleue. Elles font partie du quotidien et servent de lit, de tapis de salon pour recevoir les invités, de tapis de sieste, d'isolant pour les greniers, de couvercles pour les canaris, de parois pour les tentes... On les remplace maintenant parfois par des nattes en plastique venues de Chine, qui ont l'avantage de ne pas avoir à être renouvelées chaque année...

Les objets en vannerie entrent aussi dans la batterie de cuisine des ménagères : il s'agit des koryos, ces récipients en osier au col étiré, qui servent de garde-manger aux Arabes, des koufos ouaddaïens, formés d'un bol tressé et d'un couvercle triangulaire, sous lequel on place les plats de sauce qui seront ainsi maintenus au chaud, des vans (plateaux de paille qui servent à séparer les céréales de leurs balles).

Les femmes (les nomades surtout) rangent également leurs bijoux et leurs vêtements dans des grandes corbeilles d'osier, ornées de cuir, avec couvercle, appelées kourtals.

CINÉMA

Le cinéma tchadien est encore en gestation. Les auteurs se sont longtemps cantonnés aux films documentaires, à l'instar du réalisateur Edouard Sailly qui avait réalisé, dans la seconde partie de la décennie 1960 et au début des années 1970, Pêcheurs du Chari, Le lac Tchad, L'enfant du Tchad, Largeau, A la découverte du Tchad ou encore Le Troisième Jour.

Plus récemment, le plus illustre des réalisateurs tchadiens actuels, Mahamat Saleh Haroun, s'est d'abord lancé, au cours des années 1990, dans le court-métrage (Maral Tanié, Goï-Goï...) puis, à partir de la décennie 2000, dans la réalisation de longs-métrages. Ces derniers, dont la qualité est reconnue à l'échelle internationale, ont été primés ou sélectionnés dans des grands festivals internationaux, ainsi Bye Bye Africa (mention spéciale à la Mostra de Venise en 1999), Abouna (récompensé au FESPACO de Ouagadougou en 2003), Daratt (grand prix du jury de la Mostra de Venise en 2006 et primé au FESPACO en 2007), Un homme qui crie (prix du jury au festival de Cannes et primé à la Mostra de Venise en 2010), Gris-Gris (sélection officielle du festival de Cannes 2013) et Hissein Habré, une tragédie tchadienne (présenté à Cannes en 2016).

Parmi les réalisateurs contemporains, citons Issa Serge Coelo, directeur du cinéma Le Normandie à N'Djamena, auteur, entre autres, d'Un taxi pour Aozou ou de N'Djamena City, et une femme, Zara Mahamat Yacoub, qui s'est courageusement attaquée à l'excision féminine, avec Dilemme au féminin (1994).

LITTÉRATURE

La littérature tchadienne est relativement vivante ; elle est souvent inspirée de l'enfance des auteurs et rend un hommage vibrant à un pays dont les traditions orales si fortes sont en voie de disparition. Vous pouvez facilement trouver des ouvrages intéressants au sein de la librairie La Source, à N'Djamena.

L'un des écrivains tchadiens les plus connus est Joseph Brahim Seïd (1927-1980). Cet auteur du sud du pays s'est rendu célèbre pour son roman, inspiré de son enfance, Au Tchad sous les étoiles. Antoine Bangui-Rombaye (né en 1933) a relaté ses années d'emprisonnement sous la présidence de Tombalbaye dans Prisonnier de Tombalbaye, et ses souvenirs dans Les Ombres de Kôh. Baba Moustapha (1952-1982) a surtout écrit pour le théâtre : Le Maître des Djinns et Makarie aux épines ont été joués par les troupes locales. Dans sa pièce Le Commandant Chaka, il dénonce les dictatures militaires et tous les pouvoirs autoritaires, qui ne peuvent qu'engendrer la misère du pays. Citons aussi Zakaria Fadoul Khidir, auteur zaghawa de Loin de moi-même, récit autobiographique, et des Moments difficiles, et Nimrod, philosophe tchadien résidant en France, auteur de poésies, d'essais et de romans : Pierre, poussière ; Tombeau de Léopold Sédar Senghor ; Les Jambes d'Alice...

Enfin, il existe une Anthologie de la poésie tchadienne, éditée par Adelit, à N'Djamena, en 1996.

MUSIQUE
Musique traditionnelle

La musique traditionnelle est encore bien vivante au Tchad. Les instruments les plus utilisés sont incontestablement, comme dans une grande partie de l'Afrique, le balafon, sorte de xylophone, dont les touches sont en bois et les caisses de résonance formées par des calebasses, et la kora, cette guitare en forme de lyre, dont les quelques cordes pincées par les doigts de l'artiste donnent un son nasillard aigu.

Dans le pays sara, on joue aussi volontiers des tambours, des sifflets, et des harpes.

Les Kanembou ont une prédilection pour de longues trompettes au son grave, évoquant irrésistiblement les cors des Alpes utilisés par les Suisses dans les fêtes d'alpage !

Enfin, les Kotoko préfèrent accompagner leurs chants du grêle égrènement de leurs petites flûtes de terre cuite.

Musique moderne

La chanteuse Mounira Mitchala est l'actuelle ambassadrice de la musique tchadienne. Depuis son titre de lauréate du prix RFI Découvertes 2007, elle compte parmi les musiciens les plus en vogue. Après un premier album qui a fait chantonner tout le pays (Talou Léna), elle a confirmé tout son talent en 2012, avec la sortie de l'album Chili Houritki.

Le groupe Tibesti, dont le rythme s'inspire d'une danse traditionnelle du Sud appelée saï, fait toujours partie des coups de coeur.

A la Maison de la culture Baba Moustapha et au Centre culturel français, se produisent régulièrement plusieurs autres groupes de musique tchadiens. Certains bars et restaurants organisent régulièrement des concerts.

Si la nouvelle chanteuse Mounira possède une voix douce et suave au croisement de l'Afrique subsaharienne et du monde arabe, MC Solaar, le célèbre rappeur d'origine tchadienne, fait merveilleusement le pont entre l'Afrique et l'Occident, à travers sa voix et ses consonances rythmiques et poétiques. Deux autres auteurs-compositeurs-interprètes tchadiens, décédés dans les années 2000, valent l'écoute : Talino Manu et Maître Gazonga.

N'DjamVi

C'est un festival annuel qui se tient à N'Djamena, généralement en novembre, depuis 2006. En sus des concerts, cet événement a pour but de sensibiliser le public à des thématiques sanitaires (paludisme, assainissement...) et sociales.

PEINTURE

Outre Ibrahim Tidjani et Ahmat Hassan Kirdassi, deux peintres contemporains dont l'oeuvre est reconnue sur le continent, nous pouvons mentionner les travaux de trois artistes tchadiens :

Les oeuvres d'Abdelkader Badaoui s'inspirent de la calligraphie arabe, qu'elles dynamisent et revisitent en la stylisant et en l'incorporant à des signes géométriques, à des jeux de lumière ainsi qu'à des collages. L'artiste utilise volontiers comme support de son art la fameuse planchette lôh, destinée à l'origine à recevoir les versets coraniques du marabout.

La peinture d'Issa Faysal, indéniablement torturée, nous offre la vision d'un monde onirique africain déformé et étiré, peuplé de silhouettes fantomatiques sombres, dansant aux rythmes de djembés, et hantées par d'invisibles esprits.

Les tableaux d'Haroun Mahamat magnifient les souvenirs des caravanes transhumantes qu'il croisait, enfant, à Ati. Dans une palette de teintes déclinées du rouge au brun, l'artiste met en scène les ferriks coutumiers où des silhouettes aux larges pagnes décorés côtoient les jarres gravées, les tentes de paille dorées, les chameaux sellés, les feux de camp entourés de musiciens... Chaque scène est rehaussée d'un cadre orné de figurines appartenant à la symbolique nomade. Ces oeuvres, exceptionnelles, font de l'artiste un des plus courtisés de la capitale (par les étrangers surtout, les Tchadiens n'ayant encore que peu intégré la peinture comme art de vivre...).

THÉÂTRE

N'Djaména ne compte pas moins d'une vingtaine de troupes théâtrales, à l'instar de la compagnie Kadja Kossi. Deux festivals 100 % théâtre se déroulent à N'Djamena :

Le Festival international d'art dramatique et plastique pour l'unité et la paix (FIADPUP) a lieu tous les deux ans, au mois de novembre. Théâtre vivant et peinture sont au programme. La 10e édition aura lieu en 2018.

Le Festival du théâtre afro-arabe (FETAAR). Célébré, généralement en mai, depuis 2006. Un rendez-vous attendu des amoureux de l'art théâtral.

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